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#364 Qui profite vraiment de l'argent public? Partie 1 - avec Caroline Michel-Aguirre

September 30
40 mins

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Episode Description

Caroline Michel-Aguirre est journaliste à L’Obs et co-autrice, avec Matthieu Aron, du livre choc Le Grand Détournement (éditions Allary).
Un livre d’enquête d’intérêt public, au sens le plus noble du terme, qui révèle avec rigueur et pédagogie ce que l’on préfère souvent taire : l’État français verse chaque année entre 211 et 270 milliards d’euros d’aides aux entreprises… sans que ces aides ne soient ni encadrées, ni évaluées, ni même réellement connues du grand public.

Je le dis tout de suite, l'idée est évidemment de soutenir les entreprises et les entrepreneurs mais qui comment et pourquoi? C'est le sujet de cet épisode car vous allez voir que ce n'est pas très clair.

J’ai voulu consacrer deux épisodes à ce sujet majeur car il éclaire à lui seul une part de notre fonctionnement économique, fiscal et démocratique.
Une somme colossale d’argent public est redistribuée, parfois à des entreprises florissantes, sans aucun contrôle de retour à l’intérêt collectif. Cela interroge profondément notre rapport à la justice sociale, à l’efficacité économique, mais surtout à la transparence républicaine.

Dans cet échange dense, passionnant et engagé, j’ai interrogé Caroline sur les résultats accablants de leur enquête, mais aussi sur la manière dont les entreprises concernées – parfois les plus grandes – arrivent à ne pas payer d’impôts en France, tout en percevant des centaines de millions d’euros d’aides publiques. STMicroelectronics, par exemple, a reçu 487 millions d’euros en 2023 tout en ne payant que 100 000 euros d’impôts en France cette même année. Légal ? Oui. Juste ? Pas sûr.
Et pourtant je pense que cette société est notre seul rempart Européen sur les processeurs.

Nous avons parlé de l'opacité volontaire de ces dispositifs, de l’absence de ligne budgétaire « aides aux entreprises » dans les comptes de l'État, de la manière dont ces aides échappent au débat public.
Caroline souligne que « ce qu’on ne nomme pas ne peut être discuté ». Et c’est là tout le nœud du problème : l’ignorance collective autour d’un sujet pourtant fondamental. Il ne s’agit pas ici d’être "contre les entreprises", mais de reposer les termes du contrat social, de remettre des conditions là où il n’y en a plus, de redonner du sens à l’utilisation de l’argent public.

Nous avons aussi discuté de la politique de l’offre menée depuis plus de 15 ans, de la promesse du "ruissellement" qui n’a jamais eu lieu, des effets pervers d’un système où les très riches optimisent tout, pendant que les classes moyennes et populaires s’appauvrissent. Le taux d’épargne explose… mais la pauvreté aussi. Le tout, sur fond de désindustrialisation assumée dans les années 90, où la France a choisi de garder « les cerveaux » tout en envoyant les usines ailleurs – avec les conséquences que l’on connaît aujourd’hui.

Mais cet épisode, comme le livre, n’est pas seulement un constat accablant. C’est un outil. Un outil pour comprendre, pour discuter, pour voter, pour interpeller ses représentants politiques. Caroline rappelle qu’en Espagne ou en Italie, les aides publiques sont conditionnées : si vous supprimez des emplois, vous remboursez. Pourquoi pas chez nous ? Par manque de volonté politique, sans doute.

Ce que je retiens de notre échange, c’est cette invitation à la lucidité et à l’action citoyenne. Nous avons toutes et tous un rôle à jouer, non pas en criant au scandale, mais en nous informant, en lisant les programmes politiques, en posant les bonnes questions aux élus. L’argent public n’est pas abstrait. C’est notre argent. Il doit être utilisé avec rigueur, justice et clarté.

Un grand merci à Caroline pour son courage, sa clarté, et pour ce travail salutaire. Écoutez, partagez, armez-vous intellectuellement. Ce que vous allez entendre pourrait bien changer votre regard sur l’économie française.

5 citations marquantes
  1. « On ne peut pas discuter ce qu’on ne nomme pas. »
  2. « Optimiser, c’est légal. Mais est-ce pour autant légitime ? »
  3. « La politique de l’offre n’a pas ruisselé. Elle a enrichi ceux qui n’en avaient pas besoin. »
  4. « Ce n’est pas aux entreprises qu’il faut en vouloir, c’est aux décideurs publics. »
  5. « Le débat public, le projet collectif, c’est notre seule porte de sortie. »
10 questions structurées posées pendant l’interview
  1. Pourquoi ce chiffre de 270 milliards d’aides publiques n’est-il pas un scandale d’État ?
  2. Comment expliquer le silence des médias et des politiques sur ce sujet ?
  3. Quelles ont été les conclusions de la commission d’enquête sénatoriale ?
  4. Pourquoi les aides ne sont-elles pas conditionnées à des résultats économiques ou sociaux ?
  5. Comment se fait-il que des entreprises comme STMicro payent si peu d’impôts en France ?
  6. Est-ce qu’un remboursement des aides par les entreprises bénéficiaires est envisageable ?
  7. Comment d'autres pays comme l’Italie ou l’Espagne gèrent-ils ce type d’aide ?
  8. Pourquoi la politique de l’offre n’a-t-elle pas fonctionné ?
  9. Que répondre à l’argument de l’exil fiscal des ultra-riches ?
  10. Comment réindustrialiser la France avec une vraie vision politique ?
Timestamps clés optimisés pour YouTube (jusqu’à 40’24)
  • 00:00 – Introduction de la seconde partie et rappel du contexte
  • 01:00 – La commission d’enquête et ses résultats
  • 02:50 – Pourquoi ce sujet reste tabou politiquement
  • 04:30 – Le discours manichéen sur les aides aux entreprises
  • 08:55 – Cas STMicroelectronics : aides massives, impôts dérisoires
  • 11:00 – Peut-on demander aux entreprises de rembourser ?
  • 12:50 – L’exemple de la commande publique comme levier économique
  • 14:32 – Aides aux multinationales vs tissu local : un débat d’efficacité
  • 17:30 – L’exemple Sanofi et la question d’indépendance industrielle
  • 20:00 – L’origine du capitalisme et l’échec du ruissellement
  • 22:15 – Explosion de la pauvreté malgré la baisse du chômage
  • 24:00 – Injustice fiscale et optimisation des ultra-riches
  • 26:30 – Exil fiscal : un faux problème ?
  • 30:00 – La dépense publique, un moteur économique
  • 33:00 – LVMH, luxe et dépendance à la consommation locale
  • 36:00 – L’échec de la modération salariale et de la désindustrialisation
  • 38:10 – L’illusion d’une industrie propre et technologique
  • 40:00 – Pourquoi la réindustrialisation nécessite une vision politique

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